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L'HÉRITIÈRE DE GAZTELONDO
      (1838)

SUR CET AIR DÉLICIEUX
      (1849)

LA CHANSON DES METIERS
      (siècle XIX)

 

Etxahun

    (1786-1862)

 

Comme il était coutume à l'époque, c'est par le nom de la maison qui l'a vu naître que le grand poète souletin Piarres Topet fût connu. Né au sein d'une famille aisée et amoureux d'une paysanne pauvre, il fut obligé à épouser une riche héritière qui le trompait. Aveuglé par la jalousie, il essaye de se venger, mais dans une erreur fatale il tue un ami à lui. Il est emprisonné, condamné, puis forcé à l'exile. De Compostelle à Rome, il mène une vie de pèlerin mendiant. Revenu au pays mais déshérité, il chanta ses malheurs dans les montagnes de Zuberoa (La Soule). Ses poèmes, autobiographiques et satiriques, grossiers quant au langage, sont toujours originaux et expressifs. Vers la fin de sa vie, une fois son épouse décédée, il fut à nouveau admis chez lui. Etxahun était alors connu dans tout le pays, et il était très sollicité pour chanter aux fêtes et aux commémorations. Outre que chanter, sa tâche la plus aimée était d'apprendre à lire et à écrire aux enfants. Il laissa nombreux manuscrits de ses poèmes, que la famille brûla. Ce qui nous est parvenu de lui l'a été par transcriptions faites à son époque et par transmission orale.

 

LES MALHEUREUX DANS LE MONDE

        Etxahun , 1827

 

 

Vous êtes sans doute dans le monde beaucoup de malheureux

Mais jamais personne ne l'est autant que moi;

Voulant être maître de mes biens propres,

Malheureux, me voici sans aucune terre.

 

Les bêtes du désert, par peur des gens,

Prennent la précaution d'aller se cacher;

Moi, malheureux, je les imite en pleurant

Afin de conserver ma triste vie.

 

Ces dernières dix années, je vis dans l'esclavage,

La moitié du temps en prison, l'autre en un état pire;

Tout (est venu) au sujet d'une jalousie

Et ensuite de mon impatience.

 

Le jour où j'accomplis mes vingt deux ans

Je pris femme pour mon malheur

Car je peux dire qu'elle m'est venue

Ayant caché dans son giron la corde pour me pendre.

 

Quand je connus ce que j'avais acheté

je voulus de force l'amender;

Sa puissante parenté prit son parti

Et moi, innocent, on m'a gardé en prison.

 

La preuve s'est manifestée pendant mon absence:

Combien fidèle à moi elle avait employé son temps.

Cela redoubla la haine de mon coeur

Et causa aussi mon malheur et ma perte.

 

Mon ennemi tu avais une femme,

Sans avilir (traîner dans la boue) la faible femme que j'avais,

Un autre a reçu le coup que tu devais recevoir

Mais tu peux encore recouvrer ta créance.

 

Tu peux te vanter partout en société

De la suite occasionnée par le scandale que tu as donné:

Que se sont perdues deux propriétés, deux hommes de bien

Et qu'ont été entachées trois honnêtes lignées.

 

Mon épouse chère et faible,

(Est-il possible) qu'un libertin débauché vous ait troublé l'esprit?

Vous m'avez perdu, moi et ma propriété,

Vous avez rendu malheureuse toute la famille.

 

Mon cher époux, j'ai commis une faute envers vous.

Le fruit en paraît, je ne peux le nier

Mais si vous aviez eu de la patience

Cela eût été facile, le mal aurait pu se guérir.

 

Pendant dix années, vous m'avez accablé de soucis

Et fait retenir cinq ans en prison

Sans me donner nul secours, désirant que j'y meure.

Oui pourrait souffrir à ses côtés, une telle femme?

 

Vous avez, dites-vous, souffert pendant dix ans;

Mon oncle en fut la cause.

Si en moi ne s'était pas manifesté ce qui est arrivé

Vous auriez dû finir (votre vie) en prison.

 

Monsieur le curé Harichabalet,

Vous ne teniez pas votre nièce pour coupable;

Sans doute avez-vous cru après avoir vu son oeuvre;

Monsieur, joignez-la aux vôtres.

 

Oh mon père fidèle, mes frères et soeur avec lui,

Vous vous êtes enrichis de mon malheur,

Vous m'avez accablé de procès, suscité des défauts

Et volé les propriétés par ruse.

 

Jeunes gens, considérez mon triste sort;

Si vous avez l'intention de vous marier, ne soyez pas esclaves;

Plutôt que d'avoir une femme semblable à la mienne,

Embrassez la carrière du prêtre ou celle de soldat.

 

O privilège des femmes; vous êtes toujours vierges

Pourvu que la semence ne produise pas de fruit;

Ayant vu le fruit qu'a produit ma femme

Que l'on songe qu'il vaut mieux sans doute ne pas semer.

 

J'ai beaucoup parlé contre mes ennemis

Encore que je n'aie pas dit de mensonges;

Mais j'ai moi aussi mes torts

Que Dieu nous pardonne.

 

Dans le village de Barcus, ne cherchez pas Etchahun

Vous qui, désirant l'arrêter, êtes à sa poursuite.

Il compose ses chansons à Iguelou

Car il n'y a pas de plus beau pâturage en Soule.

 

 

Traduction: Jean Haritschelhar

Version originale": MÜNDIAN MALERUSIK

 

© Etxahun    

© Traduction: Jean Haritschelhar    

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